

Naming d’un stade et droit moral de l’architecte : ce qu’il faut retenir de la décision du Tribunal judiciaire de Toulon
Lorsqu’un stade constitue une œuvre architecturale protégée, une question sensible se pose : jusqu’où vont les droits de l’architecte ? Peut-il s’opposer à cette opération ? A-t-il droit à une rémunération spécifique ?
Le Tribunal judiciaire de Toulon, dans une décision du 4 septembre 2025, apporte des réponses importantes.
Dans cette affaire, un stade municipal devait faire l’objet d’un contrat de naming avec une grande marque. L’architecte, qui avait conçu l’édifice, avait prévu cette éventualité dans un contrat signé en 2019 : il acceptait le principe du naming, mais sous deux conditions essentielles :
– aucune dénaturation de l’œuvre
– et une rémunération à négocier de bonne foi.
Lorsque le naming s’est concrétisé, l’architecte et l’exploitant du stade n’ont pas réussi à s’entendre sur le montant de cette rémunération. L’architecte revendiquait une part proportionnelle des recettes issues du naming, tandis que le club souhaitait s’en tenir au montant proposé par une expertise judiciaire. L’architecte s’est alors plaint d’un préjudice moral.
Le Tribunal commence par rappeler ce qu’est réellement le droit moral de l’architecte : un droit qui protège l’intégrité artistique de son œuvre. Mais ce droit ne permet pas de s’opposer au naming “par principe”.
Tant qu’aucune dénaturation concrète du bâtiment n’est démontrée (enseignes défigurantes, altération de la façade, atteinte à l’esthétique générale…), l’architecte ne peut invoquer son droit moral pour bloquer ou renégocier l’opération. En l’espèce, il avait lui-même accepté contractuellement qu’un naming puisse être réalisé.
Le Tribunal poursuit en rappelant que le naming n’est pas une exploitation de l’œuvre architecturale au sens du droit patrimonial de l’auteur.
En droit d’auteur, l’architecte est rémunéré lorsque son œuvre est reproduite (photos, vidéos, maquettes) ou représentée (films, publicités, produits dérivés). Or, le naming n’exploite pas l’image de l’ouvrage : il ajoute simplement un nom commercial sur une enceinte existante. Il s’agit d’une opération marketing conclue entre l’exploitant et un partenaire économique, indépendante des droits patrimoniaux de l’architecte. Ainsi, sans clause contractuelle, l’architecte ne pourrait réclamer aucune rémunération supplémentaire pour un naming.
Sur la question de la signalétique, l’architecte souhaitait obligatoirement intervenir pour concevoir les éléments visuels du nouveau nom (enseignes, panneaux, lettrages). Le Tribunal rejette cette demande : aucune loi, ni le contrat, ne lui impose d’être le prestataire exclusif pour ces travaux. L’exploitant peut choisir un autre prestataire, tant que les modifications ne dénaturent pas l’œuvre architecturale.
Pour plus de précisions : https://www.dalloz-actualite.fr/sites/dalloz-actualite.fr/files/resources/2025/10/2401921.pdf
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